mercredi 23 juillet 2014

Lettre ouverte aux employeurs réunionnais de journalistes


Madame la Directrice, Monsieur le Directeur,

Les médias réunionnais forment un secteur économique très dynamique et nous en sommes tous heureux. Au Syndicat national des journalistes, nous le sommes beaucoup moins lorsque nous recueillons les témoignages de confrères et consoeurs recrutés pour exercer un travail de journaliste, mais sans respecter les droits attachés à cette profession.
Voici un florilège non exhaustif des infractions pour lesquelles nous sommes sollicités :
- Travail dissimulé, lorsqu’on emploie des journalistes sans les déclarer comme salariés, ou travail sans contrat.
- Journée de travail non payées, alors qu'elles ont été effectuées (notamment pour des pigistes).
- Statut d’auto-entrepreneur imposé à un(e) journaliste, alors que c’est illégal.
- Refus d’appliquer la Convention collective nationale du travail des journalistes, ce qui prive les journalistes du 13e mois, d’une partie des revenus en cas de maladie, d’une partie des cotisations pour leur retraite, etc.
- Confusion entre l’astreinte et la permanence, avec refus de payer les heures supplémentaires effectuées pendant ces astreintes.
- Abus de la rémunération sous forme de « piges » : ce mot cache souvent des emplois réguliers à temps presque complet, qui devraient être transformés en emplois en CDD ou CDI.
- Abus de l’emploi du « CDD d’usage » qui prive les journalistes d’indemnités de fin de contrat, et renforce leur précarité.
- Abattements abusifs sur les cotisations sociales : même si certains abattements sont légaux dans certaines conditions, nous avons démasqué plusieurs situations illégales qui portent un grave préjudice aux journalistes (voir par exemple le témoignage ci-dessous).
- Injonction de réaliser des reportages publicitaires, en contradiction avec la charte de déontologie.
- Abus du statut de stagiaire, lorsqu’on demande à des « stagiaires » journalistes non rémunérés d’assurer un travail de professionnel.
- Pressions psychologiques et arguments mensongers du type « Si je te vire, je connais tellement de monde que tu ne pourras plus trouver de travail à La Réunion ».
- Etc.
Le SNJ Réunion océan Indien reste vigilant. Il soutient actuellement des confrères et consoeurs qui veulent faire respecter leurs droits, et continuera à le faire, 
notamment grâce à la permanence juridique qu’il vient de créer (http://snjreunion.blogspot.com/p/le-snj-propose-aussi.html).
Par la présente, le SNJ vous demande à vous, employeur, de respecter les droits des journalistes que vous recrutez.
Fait à Saint-Denis, le 21 juillet 2014



 _______________________________________________________________________________

L’ultime crasse de Festival-RTL à une journaliste pugnace

Dans cette entreprise, les cotisations chômage étaient calculées sur le salaire brut abattu, ce qui est illégal et diminue les futures allocations chômage.
Elle a quitté son employeur, complètement écoeurée, et ne craint donc plus les représailles. Mais C. a demandé au SNJ de raconter son histoire, afin que son expérience serve à d’autres.
En 2009, C. est recrutée comme journaliste à Festival, l’une des radios du groupe H2R, devenue RTL en juin 2014. En 2013 elle commence à parler d’une rupture conventionnelle de contrat afin de quitter l’entreprise en 2014. Et en mai 2014 elle se rend à Pôle emploi pour se renseigner sur ses droits en cas de démission ou de rupture conventionnelle. Elle a besoin de quelques mois pour préparer le déménagement familial à l’étranger.
Et là, patatras : elle découvre que l’entreprise a pratiqué des abattements sur les cotisations de chômage, ce qui diminue les futures allocations qu’elle pourra percevoir pendant les quelques mois qu’il lui reste à passer à La Réunion. Entre-temps, son employeur a refusé la rupture conventionnelle –qui lui coûterait trop cher- et lui a suggéré de se faire licencier pour faute grave ! Dans tous les cas, elle percevra des allocations minorées.
Déboussolée, C. s’adresse au SNJ qui lui explique que ces abattements sont illégaux. Lorsqu’elle interroge la direction, elle note une vraie nervosité et reçoit comme réponse « Tout est régularisé depuis janvier 2014. Ne t’inquiète pas, Pôle emploi ne regarde que la dernière fiche de paie ». Ce qui est faux : C. a bien compris qu’avec des cotisations plus faibles pendant quatre ans, les allocations chômage seront diminuées. La direction essaie de la dissuader de rappeler Pôle emploi, avec ce remarquable argument : « l’administration réclamera de l’argent à nous et à toi aussi ; tu étais bien contente de gagner plus » (1). C. ne se démonte pas : « si je dois de l’argent à quelqu’un, je les appelle ».
Le lundi suivant, C. se rend à l’Urssaf, dans les bureaux de la CGSS. Le responsable du contrôle des employeurs lui explique que l’entreprise doit forcément régulariser les cotisations chômage des trois dernières années. Puis il observe les abattements pratiqués sur d’autres cotisations. Notamment sur les cotisations de retraite : les abattements sont légaux pour les journalistes, mais seulement dans certaines conditions. Or, C. n’a pas de carte de presse : les abattements sont donc illégaux. L’entreprise aurait dû payer les cotisations complètes pendant toutes ces années.
Le retour de C. à la rédaction se passe dans une ambiance tendue. Et la responsable des ressources humaines annonce que puisqu’il faut régulariser et payer les cotisations, on va ponctionner dans les salaires ! Les journalistes voient un patron énervé, qui reproche à la rédaction de « bouffer 80% du temps de la DRH » et menace de la fermer, de la délocaliser…
Déstabilisés, les journalistes acceptent l’échéancier proposé par la direction pour régulariser les cotisations : leur salaire de mai est donc amputé de ces sommes… Maigre consolation : ils ont au moins la satisfaction de savoir qu’en cas de chômage, ils percevront leurs allocations complètes. Et ce, grâce à la pugnacité de C.
Pour C., l’histoire ne s’arrête pas là. Fréquemment questionnée sur la date de son prochain départ, elle choisit de l’annoncer en avance pour faciliter l’organisation du service. Le 2 mai, elle remet sa lettre de démission en précisant qu’elle quittera l’entreprise le 13 juin. Mais le 6 mai au soir, tout dérape. C. raconte : « Le patron m’a dit de m’abstenir de travailler dès le lendemain. Comme ils ont reçu ma lettre le 2 mai, ils font courir le préavis d’un mois jusqu’au 2 juin. Il m’a même dit qu’il me faisait le cadeau de me payer à ne rien faire, qu’il me dispense de préavis et m’a reproché d’avoir semé la tension à la rédaction ». Autrement dit, C. est « virée » comme une malpropre, le plus légalement du monde.
C. n’a aucun recours juridique : Festival la "vire" le 2 juin, la privant ainsi de dix jours de salaire. C’est l’ultime crasse d’une radio qui n’aime pas les journalistes informés sur leurs droits, et a déjà été condamnée en novembre 2009 pour « travail dissimulé ». On peut s’inquiéter de la formation de « rédacteurs chroniqueurs » dans le « Studio école » monté dans les locaux de H2R : les jeunes y apprennent les techniques professionnelles des journalistes mais probablement pas à faire respecter leurs droits de journalistes !

(1)   Les cotisations sociales comprennent une part patronale et une part salariale. Lorsqu’on pratique des abattements, cela diminue les cotisations, et par conséquent cela augmente légèrement le salaire net. Voir nos informations ici : http://snjreunion.blogspot.com/2014/03/journalistes-cotisez-100-la-securite.html

Dans cette entreprise, les cotisations chômage étaient calculées sur le salaire brut abattu, ce qui est illégal et diminue les futures allocations chômage. La situation a été régularisée suite à la demande de notre consoeur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire