dimanche 29 novembre 2015

"Il faut peut-être moins travailler pour mieux travailler."


Une journaliste d'une radio réunionnaise privée a reçu récemment des reproches écrits de sa hiérarchie. Car elle avait refusé de faire un direct alors qu'il ne se passait rien! Ne rigolez pas, ça s'est réellement passé comme ça: dans notre métier il n'est pas rare de recevoir ces injonctions qui lui font perdre son sens.
Cette perte de sens fait partie des évolutions constatées par l'étude du cabinet Technologia, menée en partenariat avec le Syndicat national des journalistes, avec des réponses émanant de toute la France, y compris de La Réunion. Les conclusions de l'étude ont été restituées pendant le congrès du SNJ en octobre dernier. Une consoeur de France3 témoigne: "A France3 il y a une perte de sens, on ne fait que des bouts de reportage. On nous dit les questions à poser, et même les réponses à trouver! La passion du métier ne peut plus jouer quand on a une perte de sens."
Ce qui est confirmé par Technologia: "On peut accepter une forte charge de travail seulement si on a de l'autonomie et si le travail a du sens. Mais dans presse écrite on ne sait pas pourquoi on fait Internet." Eh oui, 60% des journalistes exercent leurs fonctions sans en connaître les définitions précises. Et nous avons tous remarqué que les durées de travail sont "hors limites" comme l'explique l'étude: 60% des journalistes travaillent plus de 8 heures par jour, dont 20% au-delà de 10 heures. Et surtout, 80% des journalistes notent l'absence de débat sur l'évolution de leur métier. En gros, on bosse toujours plus mais sans savoir pourquoi... Ce qui aboutit à 94% de journalistes stressés et fatigués.
Normal? Non, assure Techologia. Le "syndrome d'épuisement professionnel" (vrai nom du burn-out) est un vrai danger. "En Allemagne, 8 millions de personnes sont menacées d'épuisement professionnel. Il faut peut-être moins travailler pour mieux travailler." Et il faut surtout exiger dans chaque entreprise la "banque de données économiques et sociales", obligatoire mais encore trop souvent inexistante. Ne pas hésiter à saisir l'inspection du travail!
Véronique hummel

jeudi 19 novembre 2015

Etat d’urgence : la presse reste libre

(Photo d'archives, janvier 2015)

Comme tous nos concitoyens, nous avons été choqués et attristés par les attentats de Paris. Par le biais de l’union syndicale Solidaires et en son nom propre, le SNJ exprime sa solidarité avec toutes les victimes de ces actes, journalistes ou non, et salue le courage de toutes les personnes, notamment les agents des services publics, qui sont intervenues dans l’urgence.
Maintenant que l’état d’urgence est étendu à l’Outre-mer et notamment à La Réunion, le SNJ donne une précision importante : le décret du 14 novembre 2015 ne modifie rien en matière de liberté de la presse. Le texte dit explicitement que « Le contrôle de la presse, des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales » (visés par la loi de 1955 sur l’état d’urgence) ne seront pas mis en œuvre.
Il est important de le rappeler, puisque nos confrères métropolitains viennent de nous signaler quelques excès de zèle des forces de l’ordre : des journalistes ont été contrôlés, obligés de venir à la gendarmerie… parce qu’ils avaient filmé la façade d’une gendarmerie et des commerces !
Le SNJ Réunion-océan Indien redit avec force que la liberté de la presse ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la sécurité. Nos concitoyens doivent rester informés. Une restriction de la liberté d’informer ferait le jeu des complotistes et des terroristes.

dimanche 8 novembre 2015

"Il faut montrer les bonnes choses de l'Afrique!"

Evrard Niyomwungere (Burundi) avec Alexandra Maurer (Caonpé) et Yannick Bernardeau (SNJ).
Un courage tranquille, une véritable zénitude dans un climat de violence. Voilà ce qu'on retient du débat organisé mercredi à Canopé entre le journaliste centrafricain Marciano Romaric Kenzo Chembo et son confrère burundais  Evrard Niyomwungere.
Souriant, Evrard raconte comment il a échappé à la mort: il venait de quitter son bureau après avoir terminé de monter son reportage vers une heure du matin, lorsque la police a bombardé son bureau de roquettes. Quant à Romaric, s'il a dû demander (et obtenir) l'asile politique en France, c'est parce que sa vie était menacée en République Centrafricaine. "Maintenant, tout le monde a peur" témoigne ce grand jeune homme qui est intervenu dans plusieurs collèges et lycées réunionnais. "Le peuple n'a plus d'espoir, on ne sait pas qui exécute qui". Il démonte la présentation religieuse du conflit souvent faite dans les médias européens: "ce n'est pas un conflit religieux", mais des bandits qui agissent impunément dans un pays convoité par d'autres puissances.
Que faire? "Il faut continuer à parler de ces pays" insiste Evrard. "Qu'on ne dise pas comme en 1994 (génocide rwandais, NDLR) "On ne savait pas"." Evrard et Romaric concluent: "il faut que les médias occidentaux montrent aussi un autre visage de l'Afrique, pas seulement le sang et la misère. Il faut montrer les bonnes choses de l'Afrique!". Le message est transmis à tous les confrères et consoeurs de La Réunion.
Véronique Hummel

Romaric Chembo (Centrafrique) avec Nicolas Bonin (SNJ).
A lire également: 
http://www.clicanoo.re/498886-le-burundi-tente-de-rassurer-le-monde-qui-craint-des-violences-a-grande-echelle.html
http://centrafrique-presse.over-blog.com/
http://www.radiondekeluka.org/

lundi 2 novembre 2015

Débat : Comment exercer son métier de journaliste face à la violence politique?

Débat mercredi 4 novembre à 19 heures à Canopé (Saint-Denis): regards croisés sur le journalisme en République centrafricaine et au Burundi.
La récente agression d’un journaliste du Journal de l’île de La Réunion à la Plaine-des-Palmistes nous rappelle que ce métier est parfois risqué. Il l’est encore plus dans d’autres pays… Canopé (ex-Centre régional de documentation pédagogique),  le Syndicat national des journalistes Réunion-Océan indien (SNJ) et l’association « Solidarité et culture » vous invitent à assister à un débat entre trois journalistes qui travaillent quotidiennement dans un contexte de violence politique. A l’occasion des 7e « Rencontres Savoirs CDI » de l’académie réunionnaise, nous avons invité :
-         Marciano Romaric Kenzo Chembo, journaliste centrafricain, réfugié politique.
-         Evrard Niyomwungere, journaliste burundais reporter d'images pour l’AFP.
-         Martina Bacigalupo, photo-journaliste italienne, qui travaille pour l'agence Vu au Burundi (sous réserve).
L’échange sera co-animé par Véronique Hummel, journaliste du Journal de l’île de La Réunion, secrétaire du SNJ-Réunion, et Nicolas Bonin, journaliste au Quotidien de La Réunion. Rendez-vous ce mercredi 4 novembre à 19h à Canopé, 16 rue Jean-Chatel à Saint-Denis.
Nicolas Bonin (SNJ), Irène Stojcic (Solidarité & culture)
et Alexandra Maurer (Canopé).

Contacts presse: N. Bonin 06 92 91 03 87, Alexandra Maurer  06 92 07 97 76.

Nos invités

La Républicaine centrafricaine (ex-Afrique équatoriale française) et le Burundi (pays d’Afrique de l’Est, anciennement sous tutelle belge) ont connu ces dernières années de nombreuses violences civiles : guerre civile en République centrafricaine, tentative de coup de d’Etat au Burundi. Quand la politique choisit la voie des armes et de la répression pour s’imposer, comment les journalistes peuvent-ils exercer leur métier? Quel avenir pour un journalisme indépendant en Afrique centrale et orientale?
La page d'accueil de Radio Ndeke Luka, RCA.
Marciano Romaric Kenzo Chembo a longtemps exercé à radio Ndekeluka (une radio centrafricaine financée par la fondation Hirondelle, une ONG suisse). Réfugié politique en France, il rencontre les lycéens à la Réunion dans le cadre de l’opération « Renvoyé spécial », avec le soutien de la « Maison des journalistes » de Paris.
Evrard Niyomwungere est un documentariste et journaliste reporter burundais, lauréat de l'université d'Eté de la FEMIS (Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son) à Paris en 2011.
Martina Bacigalupo, déjà connue à La Réunion, a passé la semaine à accompagner une classe du collège de Cilaos dans le cadre de l’opération « Des clics et des classes » co-organisée par Canopé et l’association « Solidarité et culture ».